LAISSEZ-MOI VOLER

Il était une fois une jeune fille qui rêvait de voler. La nuit, elle rêvait souvent qu’elle s’envolait du haut d’une falaise, au milieu des montagnes et forêts tropicales sauvages, où tout était verdoyant. Elle se voyait plonger dans les airs comme dans le saut de l’ange des plongeurs professionnels, puis tombant dans le vide, ses bras se transformaient en ails et ses jambes en une grande queue de toutes les couleurs, et ainsi elle pouvait enfin contrôler son envol et la direction qu’elle voulait prendre. Elle se faisait un réel plaisir à zigzaguer entre les cimes et les arbres qui arboraient les sommets et redescendant à pic au-dessus des forêts et cours d’eau, elle remontait soudainement le long des parois rocheuses et escarpées, dansant et virevoltant d’une crête à l’autre, elle se sentait libre comme l’air…

Une impression d’indépendance totale, comme si son corps n’était désormais plus un obstacle mais un instrument de ses désirs et délires de liberté. Comme si toutes ses émotions douloureuses et pesantes s’étaient tout à coup transformées en une envolée légère et aérienne et qu’elle était alors parvenue à transcender radicalement et définitivement.

Car dans sa vie tout n’était pas toujours rose et facile, bien qu’elle était de nature enjouée et joyeuse, elle se sentait souvent prisonnière de sa condition, dans une société qu’elle trouvait souvent ennuyeuse et monotone, prise par les responsabilités et obligations de toutes sortes.

Elle aurait tellement aimée être un oiseau libre de tout mouvement, voyageant d’un paysage à l’autre au gré de ses envies, c’était là son rêve le plus fou.

Alors quand parfois les journées étaient longues et difficiles, les relations compliquées et ses occupations sans intérêt, elle partait dans ses rêveries à la rencontre de son oiseau fétiche, celui qu’elle aurait aimé incarner, un bel et grand oiseau aux couleurs chatoyantes, aux teintes bleutées et légèrement violacées, parsemé de quelques grandes plumes rouges, volant gracieusement et toujours habile dans la manière dont il appréhendait les différents vents et courants qu’il rencontrait sur son parcours et avec lesquels il s’amusait, se laissant tantôt porter ou au contraire les utilisant pour lui donner encore plus de puissance, quand il s’agissait d’atteindre un but avec détermination.

Souvent quand elle marchait, méditative dans la rue, certains évènements lui rappelaient l’envol qu’elle imaginait faire. Il suffisait que le chapeau d’un vieux monsieur soit soufflé par une rafale de vent ou qu’une bourrasque de neige, dont les flocons tombant dans une valse folle viennent attirer son attention, pour qu’elle reparte dans ses délires secrets, lui donnant alors une envie folle de crier, de hurler son besoin de liberté aux gens qu’elle croisait ou qu’elle côtoyait, à défaut de pouvoir s’envoler. Jusqu’au jour où prise dans une violente révolte intérieure sans précédent, elle décida de faire le grand pas, en quittant tout ce qui avait fait sa vie jusqu’à présent.

Depuis lors, plus personne ne sait ce qu’elle est devenue, mais la rumeur court toujours qu’un jeune homme l’aurait vu voler quelques instants au-dessus du clocher de la cathédrale une nuit de pleine lune…

 

Comments are closed.