LARME

C’est l’histoire d’une goutte d’eau… Une toute petite goutte d’eau… semblable à une goutte d’eau dans l’océan, au milieu d’un organisme néanmoins très complexe et profond…

Oui mais… cette petite goutte d’eau portait en elle, toute l’histoire, l’origine et tout l’adn de la personne à qui elle avait appartenu, et elle était salée comme l’est, l’eau des mers et océans. Cependant, elle ne provenait pas directement de ce milieu là. Elle était également tiède, mais ce n’était qu’un leurre, ceci pour se faire plus discrète quand elle en avait envie.

Elle avait été baptisée « Larme » à sa naissance et avait demeurée durant quelques temps dans des yeux bleus, bleus comme l’océan et la mer ou encore bleu comme un ciel sans nuage…

Toutefois, ce sont ces nuages inexistants en apparence, qui l’eurent créée.

Elle avait été générée par de moultes émotions de cette personne qui lui avait donné naissance sans vraiment la désirer, la plupart du temps par des sentiments pas très agréables et plutôt très animés, échappant souvent à la foule excitée de ses congénères qui pouvaient l’entrainer à tout moment dans une chute sans retour, sur des terres inconnues.

Elle avait également conscience que sa vie professionnelle était brève et qu’elle finirait un jour sa route sur un vulgaire mouchoir en papier, un tissu quelconque ou pire encore sur un trottoir encrotté et bitumé.

Néanmoins, si elle réussissait à se glisser rapidement le long de la joue pour arriver sur les lèvres et ensuite dans la bouche de son créateur, elle serait sauvée momentanément et pourrait revivre ainsi un nouveau cycle totalement différent.

Mais finalement, tout bien réfléchi, elle s’en fichait un peu, car Larme était heureuse de son existence et du sort qui l’attendait, qu’elle savait fort utile. Elle savait que suite à sa conception, elle emportait avec elle, une quantité de toxines microscopiques et qu’elle détoxifiait et purifiait ainsi, un cœur capable de s’ankyloser, un ventre qui pouvait à tout moment faire grève ou encore des poumons susceptibles de se nécroser. Elle connaissait depuis toujours la mission très importante dont elle était chargée et cela l’excitait follement. Elle était un peu comme un agent secret ou un tueur à gage, toujours prête à faire le grand nettoyage, quand cela s’avérait nécessaire et ceci quelque soit la situation, ne reculant devant aucun sacrifice.

Bien entendu, elle était souvent soumise à de la résistance de la part de son concepteur, qui n’aimait surtout pas l’exhiber et qui préférait souvent qu’elle n’eut jamais existée.

Mais cela, la laissait de marbre, car de l’intérieur, elle voyait des choses incroyables que personne ne pouvait deviner, pas même son créateur. Alors, elle n’allait pas se priver de jaillir des tréfonds comme le font parfois les trombes d’eau provenant d’un orage ou d’une rivière en crue, ceci sous prétexte qu’elle était toute petite et d’apparence fragile.

Elle aimait beaucoup son existence chaotique et s’ennuyait que très rarement. Et si cela devait s’avérer le cas, elle s’arrangerait pour pointer le bout de son nez au moindre courant d’air ou alors plus insidieusement quand un oignon trainerait dans les parages… Mais ce qui l’exaltait par-dessus tout, c’est quand la fête était au rendez-vous et qu’elle pouvait se manifester dans des cris de joie, cela la régénérait à son tour, comme une fontaine de jouvence qui s’auto-alimente.

Elle ne travaillait jamais seule et était souvent accompagnée par une ribambelle de copines toutes aussi enjouées et espiègles qu’elle, pour faire les quatre cents coups à leur propriétaire, usant dès que cela était possible, de tous les subterfuges pour s’exprimer et se faire remarquer en période agitée et briser ainsi les tabous de toutes sortes.

Elle se rendait bien compte qu’en tant que Larme, elle était capable de désarmer tout en douceur et cela lui apportait une profonde sérénité. Alors chaque soir, elle se calfeutrait derrière les paupières de son géniteur pour venir guigner sur le bord de l’œil quand celui-ci baillait au corneille, en se disant dans un petit frisson que la vie était une aventure magnifique malgré son existence éphémère, prenant conscience qu’à elle seule, elle contribuait et formait un tout, comme l’est une goutte d’eau dans l’océan ou un brin d’herbe dans un beau jardin et que l’expérience n’est pas ce que l’on a vécu mais ce que l’on en fait.

 

 

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